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Oui, bon, je l'ai lu. Bien que je n'aie pas l'habitude de me jeter sur le dernier best-seller[1] venu. Peut-être parce que j'ai lu des articles qui ne parlaient pas que des bonnes feuilles. Bref, je l'ai lu. Oui, bref, parce que comme dit Neil Jomunsi, ça se lit vite.

Le style est celui de quelqu'un qui parle à bâtons rompus, qui vide son sac ; proche du langage oral, sans ses défauts. On passera sur les coquilles (huit d'après Bescherelle ta mère) et on ira lire l'explication de leur présence. Pour ma part, « électrocution » (en lieu et place d'électrisation) me reste quand même en travers de l'œil, surtout sous la plume d'une journaliste (même si elle est spécialisée dans la politique). Le style est donc tout à fait adapté au genre du livre — confession, confidence, témoignage — dont une romancière aguerrie aurait pu faire un très très bon roman.

Mais c'est un récit brut de fonderie, dans lequel deux courants s'entremêlent, que l'on a parfois des difficultés à suivre tant la chronologie est peu respectée. Le premier thème — premier, parce qu'il apparaît à l'évidence que c'est bien la motivation principale de l'autrice[2] — aborde l'aspect psychologique d'une femme amoureuse délaissée. Le portrait qu'elle fait d'elle est sans concession, à tel point qu'elle se rend particulièrement détestable à mes yeux : amoureuse de l'amour et non de l'être prétendument aimé, désirant passer avant toute chose qui le concerne lui, désirant qu'il soit à l'écoute de ses désirs de femme aimée et non l'inverse (ou la réciproque). Ce n'est pas ma définition de l'Amour et les traits qu'elle s'attribue dessinent tout ce que j'exècre chez la femme (ou l'homme) qui dit aimer. Elle se dit sincère, et je la crois quant à la douleur qu'elle a ressentie et son besoin de la jeter sur le papier. Quant à la véracité du portrait, que j'aimerais avoir des doutes...
L'autre pan de l'histoire est consacré au monde politique dans lequel l'autrice a évolué pendant dix-huit ans. Outre les piques et anecdotes parue dans la presse dans la rubrique « bonnes feuilles » — n'ayant de bonnes que le nom — ce qui y est narré est stupéfiant, non pas qu'on ne le savait pas, mais surtout qu'on n'y croyait pas, le fameux « Trop gros, passera pas. ». Et pourtant... Il semble que ce qu'elle a écrit soit vrai. En tant que citoyen, doué d'une vague conscience politique du bien commun, on n'a qu'une envie : que toute cette engeance, quelles que soient les idées dont elle se revendique, dégage vite et bien fait. Cependant, même si je la pense sincère dans les faits et les mots qu'elle restitue, je discerne un manque d'honnêteté intellectuelle, un défaut d'analyse, en particulier à propos des « petites phrases » sur les pauvres ou les handicapés : pourquoi, dans le récit, elle n'indique pas si elle a insisté pour savoir si elle avait bien compris ou non, ce qu'il est résulté de ses questions ; bref, pourquoi elle n'a pas fait son boulot de journaliste politique (qui, même mis sous le boisseau, semble être sa raison de vivre professionnelle) ?

En conclusion, c'est un récit qui me met mal à l'aise parce qu'il laisse quelques importantes questions en suspens :

  • comment une journaliste politique qui exerce son métier depuis dix-huit ans peut-elle être à ce point stupéfaite par le comportement de certains de ses collègues et d'une partie des médias ? Elle devrait pourtant bien connaître ce milieu, ne pas se bercer d'illusions (je suis du sérail, il me laisseront tranquille). Je reste ébahie devant un tel aveuglement[3] ?
  • comment la personne qui partage la vie d'un chef d'état peut-elle faire passer ses propres désirs égocentrés devant « l'intérêt général »[4] ?
  • et surtout pourquoi faire paraître cet ouvrage maintenant, en cette période particulièrement troublée pour le gouvernement et celui qui dirige le pays ? Pour déclencher un sursaut salvateur, ou une révolution ? Je n'ose imaginer que cela soit uniquement pour qu'il arrête de la harceler à coups de multiples SMS[5]...

In fine, ce récit, s'il est sincère, ne me paraît pas honnête bien qu'il ne décrive qu'une comédie humaine bien banale.

Notes

[1] Expression jamais autant appropriée.

[2] Oui, je tords le cou à la règle de féminisation de noms de métier.

[3] Oui, l'amour rend aveugle, je sais...

[4] Réflexion de bisounourse idéaliste : j'assume.

[5] Suffit de changer de numéro de téléphone, non ?