• PB 52 : Rideau

Une petite dernière — passablement en retard (j'ai beaucoup honte :/) — pour la route d'un an de vacances (ah non, c'est pas ça ?). Le titre est... convenu ? Mais rassurant comme une maison connue et bien aimée, mais insistant comme une confirmation que c'est bien La dernière séance... Le début de l'histoire est dans la même veine : le spectacle de fin d'année (ça tombe bien, comme le rideau sus-mentionné) d'une école, avec des chérubins (?), des parents — abattez-moi si jamais je commence à devenir une mère pareille ! — des dirlo., des présentateurs trop bavards. On dirait la vraie vie ;) Et puis, hop, ça part en vrille (c'est toujours un compliment, hein ?). Et on retrouve avec joie l'univers fantastique dans lequel le Projet Bradbury a vécu cette année. La chute est... tristounette. C'est pourtant un bien beau tremplin que ces cinquante-deux nouvelles !

  • PB 51 : Bug

Presque la fin, et pour ne pas qu'elle laisse un trop grand manque amer, voilà une histoire réjouissante, en tout cas qui m'a bien plus fait sourire que les deux trois précédentes. Bon, d'accord, ça commence comme un pensum : une réunion barbante dans ce qu'on imagine être une multinationale ou une superadministration. Le déroulé se fait conformément aux souvenirs que l'on a tous de ce type de temps-perdu. Et puis quelques phrases qui sonnent bizarrement, tels de petits grains de sable semés sur le chemin de notre pensée trop confortablement installée. Du coup, on commence à sourire : ahah, encore un truc improbable, un « Et si on était le rêve d'un dieu ? » ou équivalent. On se plait ensuite à suivre le truc en question, évoqué à grand traits pourtant bien explicites. Un passage m'a fait penser à une nouvelle de L'anthologie interdite : un hasard, certainement ;-). On est bien dans le rêve d'un dieu ! (« D'un quoi ? » ;-)) Même si la suite (ne lis pas : ça m'a fait penser à un ouvrage de B. Werber) et la chute — quelle mise en abyme ! — m'ont paru évidentes, j'ai bien ri : de la bonne SF comme j'aime à lire. Et la couverture de Roxane Lecomte est vraiment superbe ! Voilà qui est dit :-)

  • PB 50 : Chrono

Sont retrouvés dans Chrono, avec plus ou moins de bonheur pour la lectrice, de nombreux thèmes qui ont déjà émaillé le Projet Bradbury : l'enfance pré-adolescente, les amis fidèles (jusqu'à ce que...), la révolte contre les choses établies — les parents, le temps, celui qui passe comme celui qu'on habite — un souffle de Viral ou de Zombeek qui serait parvenu jusqu'à la cinquantième. C'est un récit prenant, qui commence bien, qui me rappelle mes propres gamins dépités par le temps qui passe trop vite, dont la chute — certes fantastique mais trop rapide ? un tantinet bâclée ? — m'a fait dire : « Pppfff, encore eux... On n'en sortira donc jamais ? » Ce n'est donc pas une de mes préférées même si elle aurait pu l'être ;-)

  • PB 49 : Spoutnik

Qu'elle est triste, cette histoire ! Presque atroce, elle laisse un goût amer, persistant longtemps après le point final. Ces gens invisibles et inaudibles, aveugles et sourds ; ce cosmonaute, propulsé il ne sait où, survivant il ne sait comment. Même si elle a été inspirée par un rêve cauchemardesque, au-delà de l'angoisse de l'écrivain, il me semble que l'on y retrouve un thème universel : que faire pour être reconnu par nos semblables comme un des leurs ? J'ai du mal à déceler une lueur d'espoir qu'aurait pu être la chute du récit et je ne peux pas dire qu'elle me plait beaucoup ;-)

  • PB 48 : La boucle du relieur

C'est avec grand plaisir que j'ai laissé le temps s'arrêter pendant la lecture de cette nouvelle. Bien sûr, grâce au style affiné, raffiné, comme si la cruauté de la chute devait être contrebalancée par une très belle écriture (le même contraste que dans Le jour du grand orage). Mais aussi parce qu'elle réunit des univers que j'aime : le Moyen Âge, l'artisanat d'art (pléonasme), l'Italie et la traversée d'une Toscane inhabituelle, l'histoire de l'apprentissage, etc. Et surtout, l'histoire parle (encore :-D) de livres ; un peu de leur contenu et surtout de leur apparence. L'amour des livres m'a été inoculé par le lait de ma mère, ancienne gardienne d'un temple où l'instant s'arrête le temps d'une lecture (bref, elle était bibliothécaire) et aux petits soins avec ses protégés : c'est dire que j'ai retrouvé avec bonheur, les termes, les bruits, les odeurs du monde des relieurs, qui ont bercé mon enfance. Et je ne peux m'empêcher de glisser La boucle du relieur dans la même veine que celle de Commando, même si je ne m'attendais pas à cette fin-là.

  • PB 47 : Écho

J'ai un gros défaut de lectrice : j'essaie toujours de trouver dans ce que je lis un écho (héhé) de ce que j'ai vu, lu, entendu ou vécu. Et le Projet Bradbury n'échappe pas à cette mauvaise habitude. Surtout qu'il est parsemé d'indices et de rappels, aussi bien dans les nouvelles que dans tes gazouillis ou tes articles. Évidemment, avec Écho, on est en plein dedans. Le 15 mai 2014, tu as écrit : « J'adorerais écrire votre prochain rêve. » Et l'on plonge avec joie — et frissons de peur — dans cette nouvelle onirique (facile, je sais). Outre les deux thèmes que tu y as mis, on retrouve ton attrait pour les jeux vidéos, non ? J'ai l'impression que c'est un concentré de ce que tu as pu dire sous forme d'articles, elle est très riche. Quand j'étais ado., si je désirais rêver d'une chose en particulier, avant de m'endormir, après ma lecture, je me racontais une histoire en relation : et je me souviens des fois où ça fonctionnait ;-)

  • PB 46 : Nounou

« Un adulte créatif est un enfant qui a survécu » dit Ursula K. Le Guin : c'est une évidence lorsqu'on lit Nounou. Oui, encore une nouvelle qui parle d'enfance, ou plutôt qui parle à l'enfant. En quelque sorte, les mots de réconfort, l'histoire que tu racontes à l'enfant que tu as été pour le consoler de ses frayeurs nocturnes et de ses cauchemars. Le doudou, à la fois ami imaginaire et héros de tous les temps, tel qu'on peut s'imaginer qu'il a été — je ne me souviens pas avoir eu un doudou particulier, c'est triste, hein ? — le peuple des doudous, même ; l'incompréhension parentale, le monde des grands sclérosés par leurs certitudes ou désarmés : « Grandir est une bien mauvaise habitude » m'a récemment dit un ami très cher. Racontée du point de vue des doudous, c'est une très jolie histoire.

  • PB45 : Là-bas

Lectrice, je pense souvent que les écrits qui me transportent le plus sont ceux dans lesquels l'auteur retranscrit les émotions qu'il a lui-même ressenties. En d'autres termes, on ne peut bien écrire que si l'on a éprouvé les sentiments, les émotions — ex-movere : ce qui fait sortir de soi-même — qui sculptent le masque des protagonistes de l'histoire, que l'on travestit à l'occasion de la narration. Là-bas en fait la démonstration par l'exemple — même si un exemple n'a jamais bâti une démonstration. Au-delà du style descriptif toujours bien précis et enlevé — et de la superbe couverture ! — on retrouve, dans cette nouvelle, la déconstruction des stéréotypes qui parsème le Projet Bradbury : le père ne sait pas cacher ses sentiments, son amour est tendre et expressif, à l'inverse de la mère ; le destin de l'héroïne n'est pas celui que l'on réserve habituellement à une femme. Seul l'attitude du frère est conforme, jusqu'à ce que... Bien sûr, à la lecture de la chute, on pense immédiatement à la même jeune femme que celle à qui est dédiée cette nouvelle : elle en sera certainement très émue. C'est une très belle histoire.

  • PB44 : Le dos des oiseaux

Au début, j'ai cru qu'il allait s'agir d'un vigoureux pamphlet contre le sacrifice des vierges, les mariages forcés et pour la liberté d'autodétermination de chacun (comment ça, j'exagère ?). Au fil de la lecture, je me suis laissée emporter par ce qui se passe entre les deux héros : comme ils s'aiment, ces deux-là ! Et comme éprouvante doit être la cérémonie du mariage, fidèlement décrite, j'en suis sure. C'est un conte, un peu réel, un peu fantastique, doux-amer. Il y a sacrifice, mais pas celui qu'on peut pressentir au début de l'histoire. À chacun d'y trouver un sens. Ou pas.

  • PB43 : En laisse

J'ai eu du mal à aimer cette nouvelle : elle fait le constat atroce que notre « humanité » ne nous sert à rien, non pas que je place l'humain au sommet d'une pyramide — sauf celle des conneries à faire pour détruire son habitat naturel — bien qu'il soit censé avoir les moyens de sublimer certains de ses instincts. J'y ai vu l'illustration féroce de la parole de Jean de la Fontaine — « L'adversaire d'une vraie liberté est un désir excessif de sécurité. » : supprimer la réflexion, oblitérer l'intuition, interdire le choix, quoi de mieux pour « domestiquer » l'individu ? Brrr.

  • PB42 : Rydstonberg

Voilà une destination idéale pour qui ne sait pas où aller pour tordre le cou à la routine : un village perdu en pleine montagne, désert l'hiver, revivant au printemps et à la fin de l'été. Le « défi 42 » est relevé et de belle manière ! On est littéralement (héhé) transporté dans ce village décrit avec précision, on devine dans le sourire et le regard des habitants que quelque secret imprègne les pierres des maisons... Malgré la forme inhabituelle, la narration est bien présente, servie par un style toujours aussi affûté ; on est tenu en haleine tout au long de la visite et on se prend à sourire lorsque vient « la chute ».

  • PB41 : Sauvages

C'est donc une nouvelle post-apocalyptique, mais glaçante car sans conclusion ouverte vers l'espoir (quoique...). Un peu dans la même veine que Lettre morte, avec des échos de La Machine (de René Belletto), elle est désespérante, même si elle offre une balade au cœur de la nature, dans un style qui coule comme un ru dans un pré. L'Homme n'est plus grand chose mais de quoi donc peuvent bien se nourrir les machines à l'intelligence artificielle, sinon de la nôtre, d'intelligence ?

  • PB40 : Ghostwriter

Je ne suis pas familière des auteurs auxquels il est rendu hommage dans cette nouvelle : je dois même dire que ma simili-liseuse a failli me tomber des mains après quelques pages et je ne pouvais m'empêcher de penser au Guépard. Ce n'est que lorsque le récit est parti en vrille — c'est un compliment ! — que j'ai vraiment accroché à l'histoire. On y retrouve une idée chère à de nombreux écrivants, bien exprimée par celui qui a inspiré le Projet Bradbury (quel est le nom des muses, au masculin !?) qui dit en gros « Foutez la paix à vos personnages : laissez-les vivre leur vie ! ». Je ne sais pourquoi, j'y ai également senti en léger parfum de Spot. C'est très réussi et j'ai grandement souri.

  • PB39 : Panoptikon

Je n'ai pas un amour immodéré (euphémisme) pour les récits d'horreur. Et pourtant, j'ai bien aimé la descente aux enfers de Jacob : tout au long de la découverte de son calvaire, on ne peut s'empêcher de penser qu'il y a quelque chose qui cloche — pas uniquement une loufoquerie de plus mais vraiment un truc du genre « Trop gros, passera pas. », et pour cause ! Jusqu'au premier dénouement : « Le détenu s'abandonna alors tout à fait à la douleur et enferma sa raison loin, très loin dans sa tête, à l'abri d'une cellule dont la porte ne s'ouvrirait plus jamais. » Brrr. Du coup, la fin de l'histoire nous cueille à froid, paraît encore plus fantastique mais tellement rationnelle — on n'est plus à une contradiction près ;-). Cette nouvelle m'a même fait penser à une histoire d'aiguille empoisonnée et de boîte qui produit une douleur intense par induction nerveuse à la main qui y est enfermée pour tester l'humanité des individus...

  • PB38 : Zombeek

Je ne suis pas fan de zombies et d'hémoglobine, pourtant j'ai bien aimé ces trois gus dans leur garage, petits génies de la néobiologie, comme d'autres gus dans d'autres garages ont créé ce qui peut apparaître actuellement comme des monstruosités... Après un long prologue en forme d'exposé des motifs, l'histoire proprement dite, rondement menée avec un style très vivant, illustre de façon déjantée le propos principal de la nouvelle. Même si la chute est logique, elle est bien amenée : elle m'a arraché un sourire, un peu crispé, quand même : « Et si... » Et si c'étaient les enfants déjà très imaginatifs qui lisaient préférentiellement de la SFFF ?

  • PB37 : Sur la route

En début de lecture, on balance entre une histoire de fuite (d'un pays dévasté par la guerre, par exemple — c'est de saison :-/) ou bien au contraire le récit d'un voyage ayant un but précis. Il semblerait que ces deux aspects se mêlent et se séparent continument : un fil de rasoir, en quelque sorte. Quoi qu'il en soit, comme dans la vie, Sur la route, tout en marchant, on aime, on donne naissance, on grandit, on meurt. Personne n'est jamais revenu de la tête de la file pour raconter aux marcheurs ce qui s'y trouvait... On sourit, à un moment, d'une allusion à une activité scientifique récente. Et puis, il y a une cassure, qui installe le récit dans une époque post-apocalyptique ; une cassure entre les protagonistes, qui fait que celui qui continue de marcher (sans épée ni bouclier, toutefois...) atteint enfin son but, qui n'est peut-être pas celui de la procession, mais c'est le sien, rien qu'à lui et il sait enfin pour quoi il marchait... C'est une nouvelle à la fois très mélancolique et très douce, sèche quant au style, peut-être, mais pleine d'espoir.

  • PB36 : Le jour du grand orage

L'ambiance est tendue, orageuse évidemment, dramatique. À chaque paragraphe, on s'attend à ce que d'horribles événements surgissent. En contre-point, le style est affiné, tout en délicatesse, encore plus ciselé que dans des nouvelles précédentes où il était particulièrement « travaillé ». Même si les indices sont subtilement distillés tout au long du récit, dans lequel deux périodes s'entrecroisent, une question posée par un des protagonistes m'a rendu la conclusion évidente. Mais bon sang que c'est bien amené, écrit, raconté. C'est la plus belle que j'ai lue parmi les 36 déjà parues, et ce malgré son infinie tristesse. Ou de ce fait ?

  • PB35 : Spot

C'est de la jolie science-fiction que voilà, avec des technologies qui font envie, et un peu peur aussi, bien sûr : les personnages, acteurs holographiques, sont davantage que leur simple illusion lumineuse — brrr ! Je n'y ai pas vu uniquement le thème de la publicité intrusive, bien qu'il soit plus que présent, et celui de la consommation à outrance est traité de façon bien... originale ;-) Le rôle principal est donc tenue par une femme : une fois de plus, j'aime beaucoup le traitement réservé aux protagonistes féminins. Il y a un revirement improbable, comme par hasard en plein milieu d'un concert symphonique, belle illustration du pouvoir de la musique. Et la chute est une de celles que l'on voudrait éternelles...

  • PB34 : Carte Postale

C'est une bien étrange missive, que cette Carte postale, avec des sursauts bizarres, des mystères incongrus, des trahisons supposées. Elle déroule le récit d'une expérimentation d'un « état proche de la mort » comme d'autres œuvres, littéraires ou cinématographiques, l'ont fait en leur temps. Elle est saupoudrée d'un soupçon de geekerie et d'un clin d'œil historicoscientifique, également. Elle ressemble à un rêve, incohérent, absurde, illogique, comme de nombreux rêves, finalement. À rapprocher de Lettre morte où il est aussi question d'échanges épistolaires entre deux êtres qui s'aiment au-delà de tout... Peut-être une de celle qui mériterait un développement au long de davantage de pages encore ;-)

  • PB33 : L'œil des morts

C'est une bien belle balade que voilà, presque un circuit touristique des plus conventionnels si ce n'était l'atmosphère très particulière des lieux, que le style descriptif nous fait sentir, en titillant nos cinq sens, justement. Si ce n'étaient les gouttelettes de sueur froide qui sont instillées tout au long de l'histoire et qui nous tiennent dans cette attente légèrement impatiente. On y retrouve la vacuité de l'existence une fois calmée l'exaltation de la popularité, vide qu'il faut bien remplir d'une façon ou d'une autre, alors, pourquoi ne pas visiter la Nouvelle-Orléans, après tout ? La mort y est bien sûr présente, avec son œil, donc, sa voix (sa voie ?) et... chut, pas de spoiler ;-) Un sourire enfantin incongru, au goût de guimauve, vient égayer quelque peu le tableau. En encore plein d'autres choses ! Enfin (et surtout ?), on y retrouve le thème de l'écrivant, qui assemble les idées qui flottent dans l'air du temps, puis fait office de catalyseur pour les faire réagir entre elles.

  • PB32 : Nano

Malgré son titre qui aurait pu la faire passer pour minuscule (oui, bon, ça va, hein), cette nouvelle m'est apparue comme une des plus riches de celles lues jusqu'à présent. Outre le thème qui paraît central — celui des nanotechnologies et de l'Homme augmenté (ou diminué ?) — sont abordés celui de la routine qui englue, qui lasse et rend aigri ; celui du temps du temps qu'il faut occuper alors que les « machines » se chargent de tout ce qui fait le quotidien ; celui du pouvoir de la médiatisation, filtre déformant encore davantage la relation asymétrique vendeur-consommateur ; celui du voyage comme moyen de lâcher prise un temps, manière de se ressourcer ; celui, aussi du bouleversement climatique que subit notre planète. Le récit est en deux parties, reliées à la fois par le personnage central — qui m'a fait penser à Anton Égo — mais aussi par le thème de l'eau, qu'illustre admirablement la couverture de Roxane Lecomte (je préfère ses dessins à ses photos...). Le style, toujours aussi précis et ciselé, très descriptif, pourrait être pompeux, alors qu'il donne à voir... un court-métrage ! Et encore une fois, pour ne rien gâcher, la chute remet l'Homme à sa juste place !

  • PB31 : Premier jour

La première partie de l'histoire décrit à merveille le parcours somme toute classique d'une femme ambitieuse sans être arriviste, celui d'un individu qui veut s'engager, passionnément, et faire de sa vocation, son métier. Cela aurait plus être banal, commun. Sauf que. Il s'agit d'une femme, et j'aime beaucoup le fil dont tu tisses tes personnages féminins, qui ne sont que des êtres humains comme les autres ;-) Sauf que « cette quête d'absolu (...) se résumait à une ligne d'horizon qui s'éloignait à chaque pas qu'on faisait pour s'en rapprocher. Cela ne l'avait pas découragée. De fait, savoir qu'elle n'arriverait jamais à la fin du parcours lui avait procuré un étrange réconfort. » : comme un espoir que le mot Fin ne s'écrira jamais ? Ou la peur de gagner ? Ou...?

Quant à la seconde partie, c'est du déjanté surréaliste absurde, et encore, mon expression est faible au vu de « la chose », l'OVNI (héhé) qu'est PB31. Il y a surement des chuchotis de HPL ou des murmures de quelques auteurs de l'Anthologie interdite qui sont parvenus jusqu'au bout de tes doigts. C'est également une réflexion très politique sur l'organisation de nos sociétés dites « développées » où le chef n'est qu'une marionnette dans les mains des plus hauts fonctionnaires, eux-mêmes marionnettes de...

Cette nouvelle résonne aigrement en mars 2014, et c'est peut-être parce qu'elle conduit le lecteur à réfléchir à des situations désagréables que ce n'est pas ma préférée.

  • PB30 : Pour toujours

Autant d'emblée le dire : cette histoire a bien embué mes yeux. Elle est mélancolique, nostalgique, triste : elle est dans le thème postapocalyptique (comme dans Viral) et nous renvoie à notre incurie, notre insignifiance d'humains, bien débrouillards pour détruire la seule maison que nous ayons (il n'est pas dit, dans l'histoire, que les humains sont à l'origine de la grand Dévastation, mais on ne peut s'empêcher de le penser) ; on y retrouve ce minuscule espoir qu'il y a également dans Intérim et on peut encore citer les mots de Gandhi (« Tout ce que tu feras sera dérisoire, mais il est essentiel que tu le fasses. »). Déjà, ne serait-ce que grâce à l'argument, j'ai aimé. Et quant à la forme... ! Un régal des synapses, une orgie de mots ; le réveil de la capsule, début de l'histoire, est magnifiquement bien écrit : on le vit vraiment en lisant. La suite de l'histoire, idem. Je ne sais pourquoi, j'y ai vu quelques reflets japonisants. On ne le saurait déjà, qu'on penserait que tu as une affinité particulière pour le cinéma, et en particulier le scénario. Parfois, je suis décontenancée par la présentation que tu fais de la nouvelle de la semaine et ce que j'y ai lu ou vu et je me souviens d'un de mes profs de français fustigeant la sacrosainte question du Lagarde&Michard : « Qu'est-ce que l'auteur a voulu dire ? » Que l'auteur ait voulu envoyer un message est une chose (et s'il explique lui-même, comme ici, c'est encore mieux. S'il sait vraiment ce qu'il a voulu dire ;-)) mais ce que la lectrice a vu est peut-être autre chose. Ou pas. « Un livre a au moins deux auteurs, etc. » Tout ça pour dire que je suis complètement passée à côté du thème « vampire » : ça aurait pu être les enfants du Grand Secret, l'histoire aurait tout aussi bien fonctionné. Et le cœur de l'histoire est là (je te cite, ce qui est très très rare) : « Que signifie la préservation d'une pensée si nous n'avons plus personne avec qui la partager ? »

  • PB29 : Wonderland

La nouvelle de la semaine semble en harmonie avec les révoltes qui grondent, qui en Amérique du Sud, qui au cœur de l'Europe, qui ailleurs probablement mais dont aucun écho ne nous parvient. On ne peut s'empêcher également de penser à ces querelles de palais, ces luttes d'influence, ces sauve-qui-peut et surtout ma peau en premier. Le style est peut-être un peu moins recherché que précédemment mais de belles trouvailles sont délectables ! Même si elle n'est pas une de mes préférées, la chute, que je n'ai pas vu venir, est réjouissante : tel est pris qui croyait prendre, héhé ;-)

  • PB28 : Hacker

Comme celui de l'enfance, le thème de l'adolescence (et de la pré-adolescence) revient dans le Projet Bradbury, mais de façon moins cruelle que dans Bully. Quoique. Quoique, puisque on y retrouve le harcèlement, celui du minot boutonneux qui vous dévorait des yeux à chaque récré., dont on croisait le regard sans cesse et qui tenait absolument à vous raccompagner jusqu'à la porte de votre maison avec comme prétexte, celui de vous protéger « des grands ». Quelles souffrances ! Quelles souffrances ont dû endurer ces gamins... L'histoire débute par ce qui me semble être un hommage aux gameuses (ce que je ne suis pas) — et probablement à H. P. Lovecraft aussi ? Le fil de l'histoire déroule ensuite la vie classique d'une ado. Sauf qu'un gentil petit hacker s'en mêle. Chacun a cette frousse que ses comptes soient piratés, mais là, ça confine à la terreur puisque l'implant, par définition, n'est pas débranchable. Ça rappelle aussi la schizophrénie. Seulement, le hacker est vraiment un gentil, juste quelqu'un qui a envie d'exister, plutôt par sa gentillesse que ses méfaits, bien qu'il soit quand même un peu sournois. La fin illustre parfaitement l'adage selon lequel « Il faut humaniser le média », même si l'humanisation est un peu violente et illustre brillamment aussi bien la libération de la tension à laquelle a été soumise l'héroïne tout au long de l'histoire, que la réaction de panique que l'on peut avoir devant une situation particulièrement poignante qui nous prend aux tripes.

  • PB27 : Commando

Si l'on aime les enquêtes policières, les livres et l'écriture, les univers fantastiques, alors on se laissera captiver dans rechigner par cette histoire. Les lecteurs et suiveurs fidèles savent que tu aimes ces mondes-là. Et lorsque c'est retranscrit dans une histoire, le plaisir de le comprendre n'en est que plus grand : le style est ciselé (je crois que je l'ai déjà dit...), l'atmosphère rendue palpable par la progression de l'histoire, les tourments du héros endurés avec lui. La chute, fantastique, porte en elle le désir secret de probablement tout écrivain : je n'y ai vu, en aucun cas, une « mort », malgré le tire du billet. Probablement la retranscription de l'angoisse de l'écrivain. Ou encore mieux, plutôt un espoir que LE livre s'écrira.

  • PB26 : La nuit venue

Dans la nouvelle de la semaine, le thème de l'enfance est toujours aussi bien traité. Et le suspense ! Pas du tout de même nature que celui d'Inside Sherlock (« il va y arriver comment, à s'en sortir !? ») mais de nombreux indices pour faire sentir au lecteur qu'il va se passer quelque chose pendant/après la nuit, comme pour lui rappeler cette peur ressentis par les anciens -- et si le soleil ne se levait pas ? J'espère que tu ne m'en voudras pas si j'ai « senti » le style de la chute : je venais de relire (après quelques décennies d'abstinence) La troisième expédition, ceci expliquant cela.

  • PB25 : Inside Sherlock

Ma-gis-tral ! Oui, facile et un peu court, je le concède sans peine. C'est pourtant bien un de tes maîtres que tu as mis en scène, ici. Et de quelle manière ! Du suspense (avec un faux indice qui m'a piégée) ; des descriptions des lieux, simples et tellement évocatrices (j'ai vraiment visité le manoir avec lui) ; l'explication de sa façon de raisonner : le style est à la fois très « léché » et si fluide. Bravo ! Je ne suis pas une habituée de Sherlock Holmes : je ne possède que quelques connaissances de culture générale à son propos et de très lointains souvenirs de lecture, mais je gage que tu as su lui rendre un fidèle hommage. La couverture est superbe et me rappelle les catalogues de frises et rubans (hum...) que je peux feuilleter pendant des heures : le style de Roxane évolue, comme le tien. C'est vraiment du très bon travail. Et il doit y avoir un brin de laine qui reste de la nouvelle précédente, à partir duquel l'histoire présente s'est tricotée ;-)

  • PB24 : Yokai

Après l'érotisme, c'est une madeleine de Proust — que dis-je ! — un téléporteur que la nouvelle de la semaine. De ce genre d'engin interspaciotemporel qui nous transporte au temps où on attendait bien sagement que les parents soient partis de notre chambre après la bise du soir pour attraper fissa la lampe de poche qui éclairerait la caverne de draps dans laquelle on continuerait à dévorer les Contes et Légendes dans lesquels on était plongé : le cœur de Yokai est un conte pour enfants (enfin presque ; mais oui, quand même, c'est fait exprès). Les êtres mignons mais qui font un peu peur parce que différents de nous ; ceux devant lesquels il faut affirmer notre assurance ; d'autres gentils si on l'est avec eux ; un rusé qui finalement a bon fond ; un carrément monstrueusement méchant sans espoir ; un autre encore, très discret, presque invisible, timide mais puissant qui vient modestement tout sauver : ils y ont tous ; les peurs, les espoirs, les relations entre les êtres vivants : le livre de la vie. J'y ai trouvé des noms que je ne croyais pas connaître, des êtres dont ma mémoire ne savait pas avoir conservé le souvenir. Autour, la peau du récit qui nous balade à New-York, au cours d'un prologue tranquille, qui ne semble pas avoir de lien avec la suite de l'histoire. Puis-je affirmer sans crainte de me fourvoyer que tes histoires ont plusieurs « niveaux » de lecture ? Et c'est toujours très bien écrit ; et la couverture est toujours aussi belle... Jusqu'au irez-vous !? ;-)

PS : je crois qu'il y a un Yokai qui a laissé dépasser un bout de la pelote dans laquelle tu as tricoté la nouvelle suivante... ;-)

  • PB23 : Maison close

Nous sommes à trois pas (japonais) de la moitié de l'aventure et voilà un conte érotique ! Pas graveleux, ni paillard ou vulgaire : juste délicieusement érotique. On a failli attendre ? Non, même pas : il arrive comme une bulle de fraîcheur (toute relative à la "vue" du client hors du commun en question). Et c'est admirablement bien traité (encore une fois !) avec ce qu'il faut de geekerie féminine — si on manipulait des robots (voir note) sans être geekE, ça se saurait — de noirceur mafieuse, de « complots » politiques et de robots ! Du coup, renvoyée illico-presto dans les bras de Tonton Isaac, la lectrice. Ou vers la série suédoise récemment (il y a un peu plus de 6 mois, quoi ;p) diffusée par Arte, Real Humans. Il y a cependant un moins que petit détail qui m'a heurtée : tu emploies l'expression « race humaine ». Soit c'est dans le contexte futuriste où êtres humains et êtres droïdes forment une seule espèce, et c'est alors tout à fait justifié. Soit tu as succombé à cet infâme anglicisme human race qui est une aberration puisque la - et encore moins les - race humaine n'existe pas : l'humanité est une espèce ! Est-ce moi ou depuis quelques nouvelles, les fins ne sont pas... finies ?

Je ne sais si c'est une impression autoconvinctionnante, mais les couv. de la Dame Au Chapal s'améliorent au fil des nouvelles comme tes écrits.

(note) mes amis geeks - des vrais, des barbus, des tatoués à Perl et BSD - ont toujours prétendu que leurs robots étaient féminins, probablement parce que ce sont essentiellement des Pygmalions...

  • PB22 : La nuit des fous

Qui a connu Berlin l'été et la fraîcheur, toute relative, de l'ombre d'Unter den Linden a du mal à imaginer que la ville devient une scène de théâtre apocalyptique durant une nuit. Le style de la narration est assez peu descriptif mais suffisant pour que le lecteur balance entre la description de la réalité et une uchronie fantastique (pléonasme) nourrie par tes récentes lectures et séances de cinéma ;-) Le récit se poursuit en suivant au plus près la chronologie des événements de cette nuit-là et tout semble logique même si un peu extravagant — ce qui n'est pas pour me déplaire ! Jusqu'à ce qu'on arrive au cœur de l'histoire, on s'y laisse emporter, on... Bon Sang ! Mais c'est bien sûr ! C'est elle, c'est la bataille. Et c'est avec un large sourire qu'on poursuit et finit sa lecture. Et j'en souris encore. C'est une alliance fort réussie entre tes différentes sources d'inspiration. Bravo.

Une dernière chose : ne sont pas les plus fous ceux qu'on croît ;-)

  • PB21 : Intérim

J'ai retrouvé, dans Intérim la même atmosphère que dans Viral, bien sûr ! Cet air de fin de monde, du monde ici, alors que c'était plutôt d'un monde dans Viral. Le thème est aussi abordé différemment ; ici, juste deux paumés, que tout différencie : l'âge, la carrure, le caractère — un physique, l'autre plus cérébral — le vécu, l'expérience... Et cela ne les empêche nullement, probablement grâce à la fin des temps qui vient, de former un duo qui fonctionne bien, avec même de l'attention à l'autre. Les images sont assez violentes et l'on se demande pourquoi l'exorcisme est si fatal jusqu'à ce que l'on comprenne (non, pas de spoiler, cette fois !). J'ai appris il y a bien longtemps que « Apocalypse » signifiait non pas « fin » des temps au sens de « c'est terminé » mais dans le sens de « Révélation ». Et même si l'histoire contée m'a mise encore plus mal à l'aise que Viral, on peut y trouver une espèce d'espoir, une sorte de « sortie honorable ».

« Tout ce que tu feras sera dérisoire, mais il est essentiel que tu le fasses. » (Gandhi)

  • PB20 : Lettre morte

Dès la couverture, publiée en avant-première sur Twitter, l'abonné est plongé dans les tranchées. De la guerre de 1914, bien entendu, surtout si l'abonné est Français — il paraît d'ailleurs d'après une analyse récente qu'on s'autorise dans les milieux autorisés, que cette commémoration de la « Grande Guerre », grande par l'horreur et la quantité de sang versé et non par sa noblesse, dans chaque monument aux morts de chaque village est une des sources du pessimisme hexagonal. Dès les premières lignes, l'abonné sait qu'il est en train de lire une lettre de poilu. Pas n'importe lequel, puisque le style est recherché, non comme celui d'un fin lettré mais semblable à celui d'un intellectuel ; scientifique, l'intellectuel. Ce qui tombe relativement bien, puisque l'épistolier en est un, nous rappelant au passage que ce ne sont pas seulement des ouvriers ou des paysans qui ont été mobilisés comme chair à canon et baïonnette. À canon et à baïonnette seulement ? Au fil de la lecture, on sent bien qu'il y a quelque chose qui ne colle pas : l'ennemi n'est pas celui dont on nous a parlé en cours d'histoire, même si des détails sont conformes à ce que l'on nous a appris ; la description du champ de bataille ne correspond pas aux souvenirs racontés par les grands-pères (les deux miens ont « fait » Verdun). Une fois le lecteur bien installé dans l'uchronie, la suite de la lettre devient conforme à l'horreur produite par toute élimination de masse. Bon, si on a lu le pitch avant la nouvelle (ce que je me suis refusé à faire pour les six premières), on est déjà bien installé dès le début ;-) Je trouve — ATTENTION SPOILER — que les ennemis sont bien sévères quant au langage et au manque de raisonnement des soldats : que diraient-ils des temps actuels !? La fin — sans jeu de mot ; ou presque — m'a mise très mal à l'aise jusqu'à ce que je me rappelle l'intérêt de certains pour la cause animale (je simplifie) — FIN DU SPOILER. Encore une fois l'humanité est bien peu de chose, mon brave monsieur.

  • PB19 : Toréador

Encore une très très belle histoire, bellement racontée ; un récit qui tient en haleine, du tout début jusqu'à la fin. J'aime beaucoup, quand je commence à lire, me poser l'éternelle question du lecteur avide : « Mais où veut-il nous amener ? » On y trouve pêle-mêle Panem et circenses, la catharsis, comme tu dis, le perpétuel combat de l'homme avec lui-même. Et la faille, la faille qui peut être utilisée par l'adversaire, sans même qu'il le sache, la parcelle d'enfance (d'humanité ?) — dévoilée la veille du combat — qui lui fait risquer sa vie.

  • PB 18 : Esprit farceur

Comme tu te doutes, j'ai bien rigolé : c'est frais, ludique, faussement inquiétant, plein d'ironie joyeuse. L'histoire est tellement bien ficelée, même si tout autant transparente, que le style est simple et dépouillé : moins travaillé, peut-être ? Et pour une fois — enfin, c'est la première fois que cela me frappe — le récit n'est pas linéaire (à l'inverse de « Page blanche », par exemple) : c'est inhabituel dans la série, mais bien venu dans la nouvelle. Sacré Ray ! ;-)

  • PB17 : Le pont

En ce qui concerne Le Pont, j'ai énormément aimé — la couverture est superbe ! Le style est affûté, l'histoire est géniale, dans l'esprit du temps de l'Heroic Fantasy ;-) Je ne sais pourquoi j'ai eu l'impression d'une histoire monochrome — ce n'est pas un défaut — tout à fait dans « le ton ». Comme à toi, cela me rappelle quelque chose, mais quoi... ? J'aurais aimé en savoir plus sur ce qui s'était passé de l'autre côté du pont pour qu'il y règne une telle désolation, mais peut-être te restreins-tu quant aux développements internes de l'histoire (ou tu n'as tout simplement pas le temps entre deux vendredis ;p) D'un autre côté, tu laisses notre imaginaire en faire d'autres histoires ? ;) La fin est... simple, normale, logique, une espèce de résignation joyeuse : la vie n'est qu'un éternel recommencement qui continue malgré tout.

  • PB16 : Alexandria

J'ai beaucoup beaucoup aimé. La forme, bien sûr : exercice difficile quand on ne le pratique que rarement mais qui devient une mécanique bien huilée qui ronronne tranquillement sans que l'on n'y prenne garde si l'on s'y adonne fréquemment. Le fond également, qui renvoie encore une fois à l'inspirateur ;) D'autant plus que cela me rappelle une histoire vécue que l'on m'a déjà racontée...

  • PB15 : Viral

Un prénom, un métier, une volonté de destruction : ça résonne bien dans l'harmonie de l'inspirateur du projet. On se dit : « Il ne va quand même pas faire ça !? » Meuh non, il ne le fait pas... C'est aussi puissant, encore plus terrifiant, avec une fin en forme d'espoir épouvantable ;-) Mmhh, un sous-titre : Le pouvoir des mots ?

  • PB14 : Bully

C'est le genre d'histoire que l'on déteste lire et qui nous prend la main pour ne plus la lâcher, désamour et fascination qui renvoient aux terreurs anciennes et réveillent les futures. C'est admirablement bien traité ! Et le cameraman virtuel — ami imaginaire qui hurle de la mort de l'enfance — m'a renvoyée au Truman Show. En négatif.

  • PB13 : Page blanche

Tu ne vas peut-être pas aimer...

Je n'ai pas manqué de regarder attentivement la couverture de « Page blanche » et, certes, j'y ai bien vu une machine à écrire. Mais également... une boîte à musique ! Le style me paraît moins ample que dans les précédentes, plus précis, incisif. Et j'oserais même dire que tu as fait la course à la métaphore quitte à frôler les plus éculées de la littérature. Mais il y en a de très très bonnes quand même, ne serait-ce que la première ! À la vue du titre et de la couverture, le lecteur pouvait se douter du thème central de la nouvelle ; et même si le déroulé est classique (c'est toi qui le dis !), les péripéties auxquelles le héros est soumis sont inattendues. La fin m'a déroutée (promis, pas de spoiler), à la fois une renonciation et un espoir : il lui est arrivé tout ça pour ça, aurais-je envie de dire... Mais comme c'est un écrivain, il écrit...

  • PB12 : Touristes

Le vendredi, c'est jour du commentaire de la nouvelle de la semaine lue la semaine précédente ! Le style prend ses aises et se cale confortablement en vitesse de croisière. Quant au fond... L'histoire m'a fait bondir dans mon passé d'il y a 35 ans environ, quand j'ai découvert la SF en lisant des nouvelles d'un certain Ray B. Tu connais ? ;-)

  • PB11 : Antichrist Understar

Plein de choses à dire, je vais essayer de me limiter aux essentielles. Le style tout d'abord, qui s'est encore poli depuis PB10. Le personnage dit central, ensuite : les lecteurs étaient avertis, pas trop de surprise donc — même le sachant, je n'ai pu m'empêcher de penser à Alice Cooper (ouaip, chuis une vieille ;-p). Sauf que. Un peu dans la même veine que ce dit @TheSFReader, j'y vois davantage le moteur de la création artistique du héros que le héros lui même ; probablement victime du stéréotype qui prétend que toute création artistique est une thérapie (épée, bouclier, chemin ? mouais...). Enfin — ATTENTION SPOILER — je n'ai pas prévu la chute (qui est encore une marque d'espoir, non ?) : quand tu es dans la spirale descendante vers le fond de la piscine, que tu n'arrives pas à donner ce coup de talon qui te fera remonter, alors, si et seulement si tu as assez de force et d'intelligence pour l'accepter, si tu est prêt à le recevoir, le coup de pied au c* salvateur, d'où qu'il vienne, devient un formidable moteur pour embrayer sur la suite de ta vie. Le temps que tu assimiles... C'est aussi la force de l'adversaire que le judoka retourne contre le dit adversaire ? À voir.
FIN DU SPOILER


Petit encouragement pour le premier cinquième (environ) du chemin parcouru :

Vin pour sang.

Vin pour sang, vin pour sang, vin pour sang. La scansion planait sur les coteaux, se faufilait dans les rangs, entre les piquets, les ceps, les ouvriers qui la rythmaient de la bouche et du tchactchac de leur sécateur. Sous le soleil brûlant de septembre, corps tordus, brisés, hypnotisés, myocloniques, les vendangeurs suaient eau et... sang.

Vin pour sang. Vin pour sang. Tous les jours, dans le calice, le miracle de l'esprit se faisait transsubstantiation. Les ombres silencieuses glissaient dans le noir, sur les dalles froides, dans la lumière blafarde des flammes tremblotantes au sommet des mats de cires. À l'approche de l'officiant, les sourires se déliaient, les yeux brillaient et reflétaient les scintillements des crocs découverts : les vampires communiaient.

Vin pour sang. Il rentrait, aviné par ses multiples visites dans les troquets alentours et elle savait que ce vin mauvais deviendrait le sang qui coulerait entre ses cuisses, de son sexe meurtri par les coups de boutoir, de sa langue qu'elle mordrait pour ne pas crier sous la douleur de ses pénétrations brutales, des multiples plaies de tout son corps déchiré par les coups violents qui lui assenait.

Hun le Cinquième se réveilla en sueur : quels cauchemars ! Allez, il était temps d'aller préparer les quatre vins pour cent hommes de sa troupe.

Bon décahebdoversaire !


  • PB10 : La dernière guerre

Que dire (à part que je suis en retard pour commenter) ? En premier lieu, que je n'ai pas vu la couverture — ce qui est un délit impardonnable, puisqu'elle est superbe, comme les précédentes — ce qui m'a privée de tout indice quant au thème traité. J'ai pu alors apprécier le suspense qui m'a tenue en haleine pendant tout le début — « Mais de quoi il cause !? » — et le style, rendu si particulier par le sujet ; avec des allers, des retours, des dénouements que l'on croit proches et qui sont repoussés plusieurs lignes plus loin. Le mystère une fois dévoilé, on se laisse porter par l'histoire, toute simple, banale presque (c'est plutôt un compliment, là...), en résonance avec l'actualité rurbaine. Le récit est dense : il me replonge dans les lectures des Karl von Frisch et Maurice Maeterlinck de ma pré-adolescence, il donne vraiment envie de tourner la page pour lire la suivante. Bien sûr, on ne peut s'empêcher de penser aux Fourmis de Bernard Werber : le format resserré de la nouvelle en fait un seul plan-séquence, une seule respiration qui permet de ne pas se lasser. Pas du tout, même.

Du coup, je suis un peu déçue que tu aies dévoilé le thème dans la présentation de PB10 : c'est peut-être parce que j'aime beaucoup (trop ?) le suspense et être surprise par un texte ;-) . La fin m'a laissée... sur ma faim ! En y réfléchissant, j'y vois tout simplement l'espoir, qui fait vivre, et la vie qui continue, malgré tout, immuable.

Tu dis que c'est « expérimental » quant au style : pour une expérience, elle est parfaitement réussie ! Comme si ton style se ciselait au fur et à mesure : c'est bien le but, non ? ;-)

  • PB9 : Kindergarten

Évidemment, le titre, la photo-mystère près de votre lieu de résidence avaient mis les fidèles sur la voie... Les lecteurs savaient donc plus ou moins à quoi s'attendre quant au personnage central (enfin, central, c'est vite dit — quoique).

J'y ai « lu » pas mal de thèmes qui me sont chers (décidément !) : on doit « s'élever » au niveau des enfants (comme sait très bien faire Dieter en pliant les genoux) ; on ne ment pas aux enfants, mais on leur raconte, on leur explique avec leurs mots, on leur ouvre des portes et des perspectives, à l'inverse de ces grands-adultes-bornés qui savent tout mais ferment leur yeux et leur esprit et râlent très fort contre ou lieu d'agir pour ; et les âmes qui rodent, et les choses qui gardent le souvenir (me rappelle le cycle de Fondation et Gaïa, ça...), et Berlin — ach, Berlin ! — la Potsdamer Platz en 93 (1993...), c'était quelque chose : un terrain vague, très vague, juste vague...

Dès que j'ai vu apparaître le photographe, j'ai « su » la chute : dîtes, c'est grave, Docteur ? Et ce n'est pas innocent que ça soit Dieter (le positif du négatif ? Le Yang du Yin, en simplifiant à outrance ?) qui ait vu ce qu'il y avait à voir comme point central, n'est-ce pas ? Le malaise qu'a pu ressentir @TheSFReader (coucou !) est à la hauteur du comportement « inhumaniste » qu'à pu avoir un homme, juste un homme, de la même espèce que nous tous...

  • PB8 : Face à l'étoile

J'ai beaucoup aimé, peut-être parce qu'ai-je ressenti une écriture plus haletante, plus serrée, un suspense plus soutenu que dans les précédentes alors que la situation est presque banale et très moderne (malgré vos sources d'inspirations #desolède) : une élection municipale, un débat de deux candidats, de la corruption et une comète (ISON ?). Peut-être parce qu'il s'agit d'une des 6 dont je n'ai pas vu venir la chute ;-) Et elle remet bien l'Homme à sa juste place !

  • PB7 : Celsius 233

- Quel vin ?
- 506, parait-il.
- Et le rang, Quine ?
- 911...
- Et l'arrêt ? Au mur ?
- Sang, quatre vins (encore !) et tournoi de sixte.

In « Variations sur PB7 »

  • PB6 : Aurélia sous la terre

C'est une très jolie histoire, certes née d'un rêve, mais qui se tient bien, avec des frissons de peur — frôlant parfois la terreur chez un des enfants — une chasse aux trésors — et quels trésors ! — une rencontre, un émoi, des regrets, peut-être des remords ? On y retrouve un peu de ce paradis que l'on a cru perdre en pensant quitter l'enfance. Dans l'ensemble, elle n'est finalement pas très gaie. Mais probablement peut-on s'en inspirer pour ne pas perdre de vue d'enfant qui continue de vivre en nous ?

  • PB5 : Le Grand Hozirus

J'ai été déstabilisée par le début de l'histoire : elle nous propulse dans une conversation — où interviennent violence et démence — entre deux initiés, dont nous ne sommes que des spectateurs (héhé) totalement perdus. Bon, du coup, on a envie de lire la suite pour savoir (c'est assez malin ;-p). La suite nous montre à voir un Tout-Puissant, dans une débauche de richesses incroyables. Et de métaphores toutes plus géniales les unes que les autres ! Et Le conte poursuit sa course folle et improbable, tout comme les innombrables surnoms délectables dont le héros est affublé par son créateur (et dont on sourit beaucoup. Des surnoms ! Suis un peu !). Ensuite, on sourit moins, on grimace même, quand le héros se comporte comme... un humain ? J'ai ressenti pas mal d'amertume alors que sont évoqués les thèmes de l'appétit du pouvoir, de la crédulité confortable du peuple, de l'impossibilité de se défaire d'une étiquette que les autres vous collent, à cause de ou malgré ce que l'on fait. Heureusement que le style est joyeux, qu'il y a quelques appels à la SF et à la mythologie et que la chute se veut une note d'espoir. Cependant, où aller, lorsque le monde entier semble vous être hostile ? Je l'aime bien cette nouvelle, bien qu'elle gratte — beaucoup — là où ça démange.

  • PB4 : Kukulkán

Dès le titre, on est pris d'un frisson mêlant plaisir et frayeur, plaisir anticipé d'une plongée dans le Fantastique, frayeur d'y trouver quelque créature peu amène. Le début de l'histoire est haut en couleur et la première partie se termine sur une note triste et bien réelle (les « fameux » trous apparus soudainement en plein centre-ville). La suite se perd dans des méandres, tout comme le héros de l'histoire, pour enfin déboucher sur le Fantastique — ah, enfin, le voilà ! — tout en ayant, au passage, fait surgir des profiteurs sans scrupules, mais rira bien... C'est finalement une longue histoire (c'est un avantage, en l'occurrence), avec pas mal de rebondissement, de jolis traits d'humour, un style travaillé comme une orfèvrerie sud-américaine antique (ça tombe bien !) : une délicate gourmandise qui augure bien la suite du festin.

  • PB3 : Le dernier invité

Il n'est évidemment pas facile de parler de la mort, alors un soupçon de fantastique adoucit bien les choses. On rattachera à cette nouvelle les expériences personnelles que l'on a tous eues, les béquilles et les ficelles que l'on tire lorsque la douleur de la perte d'un être cher menace de nous abattre. Racontée du point de vue d'une adolescente, on y retrouve émotions, pudeurs et dynamisme de cet âge. Je l'ai relue un an après l'avoir découverte (pour écrire de bout d'impression) et... j'ai enfin compris la chute ! Tout vient à point, etc., etc.

  • PB2 : Onkalo

Se mêlent, dans cette nouvelle, au moins deux sinon trois thèmes classiques de la SFFF. L'anticipation — d'un futur trèèès lointain — la mythologie et les pouvoirs surhumains donnés par des dieux — ou l'évolution — enfin la peur d'un monstre que l'humanité a été capable de créer et qu'elle veut faire disparaître de la vie de sa descendance. Le style descriptif très travaillé, les dialogues percutants en font une très belle histoire. Même si j'ai vu venir la chute — et compris ce qui avait été scellé et célé ! — j'ai été vraiment transportée (héhé) par cet épisode.

  • PB1 : Nouveau message

Pour commencer ce périple d'un an, quoi de mieux qu'un Nouveau message, comme une invitation au voyage, des billets de transport qui arrivent directement dans la boîte à messages — justement ! Plongée dans un univers connu, je me suis régalée à suivre les péripéties de ce pauvre Samuel, à décrypter (oui, oui, décrypter, puisque je n'avais pas la clé finale) les cailloux de petit Poucet disséminés le long de l'histoire. Par certains aspects, cette nouvelle m'a rappelé L'ivresse des providers de ma copine Catherine Dufour : somme toute, le voyage s'annonce plutôt bien, ainsi confortablement installée. La chute est attendue, mais ce n'ai pas grave, j'ai bien souri quand même ! La chair est faible.