Kappa16 Comme d'autres, j'ai assisté à la conception et à l'assemblage des premières pièces de Kappa16, une journée de février 2015, au cours d'un voyage sans fin, une circumnavigation, un combat avec les mots et le temps. Quelques heures — vingt-quatre — et mots plus tard, le prototype était opérationnel, une « science-fiction robotique » mais « Pas forcément la meilleure chose que j’aie jamais écrite » d'après l'auteur. C'était aussi mon avis quant à ce premier jet.

Pourtant l'abord était intéressant : histoire d'un robot, particulièrement autonome, du point de vue du protagoniste lui-même. Comment ça, les intelligences artificielles n'ont pas de conscience ? Pourtant entre la découverte de sa probable localisation chez Homo sapiens et les travaux de Stanislas Dehaene, elles ne sont pas loin d'en être pourvues. Faire entrer ainsi le lecteur dans la peau, tout artificielle qu'elle pût être, d'un robot s'annonçait comme la promesse d'un beau voyage. Sauf que, patatras, le cours de la vie de Kappa16 faisait voler en éclat les préceptes du maître de la robotique[1]. Damnède, non, non, non, ce n'est pas possible ! M'enfin, un auteur a bien le droit d'écrire ce qu'il veut, la lectrice n'est ni obligée de lire ses histoires, ni de les aimer.

Quoi qu'il en soit, après quelques mois d'affinage, de peaufinage, de polissage, d'améliorations, d'amendements et de réécriture, le Kappa16 nouveau était né, chez Walrus[2]. Et je dois dire que la maturation du droïde a eu du bon. Enoch, le robot de modèle Kappa16 dont il est question, prend de l'épaisseur et de la profondeur et devient le héros d'une histoire résolument humaniste. Curieux pour un robot, n'est-ce pas ? Écoutez-donc ce qu'il dit :

À force de vivre en compagnie d’un autre, on finit par adopter des comportements mimétiques. Je sais cela. Je fonctionne de la même manière : j’observe, je copie. Je suis une machine à reproduire.

C'est bien le mécanisme de l'apprentissage par imitation ou de l'empathie ou la base de la relation. Certes, ce n'est pas uniquement humain mais plus généralement animal. N'empêche. De plus, une fois sa faute commise[3], l'androïde passe, comme tout un chacun, par une phase d'introspection, douloureuse, solitaire, sombre, très sombre, et il en sort victorieux de ses propres turpitudes. Et peut-être davantage... humain. Curieux d'ailleurs, que notre esprit ne puisse imaginer des androïdes autrement qu'anthropomorphes quant à leur apprentissage et à leur psyché[4].

Comme l'histoire est imprégnée de shintoïsme cher à l'auteur

En japonais, #MOTTAINAI décrit le regret devant le gâchis, la désolation face à la dépense utile — d’argent ou d’énergie —, la tristesse liée à la vanité de nos actions irrémédiablement vouées à l’échec et à l’oubli.

Kappa16 constitue un plaisant manuel de philosophie personnelle.

Notes

[1] Isaac Asimov

[2] Comme dit Valery, c'est presque de l'autoédition ^^

[3] parce qu'il n'est pas parfait, malgré les talents de son créateur et que donc il est faillible, malgré ce que dit Asimov

[4] oui, j'ose...