À exclure ou à intégrer ?
10 mai 2006 : première journée commémorative en métropole du souvenir de l'esclavage et de son abolition. 17 mai 2006 : adoption en première lecture par l'Assemblé Nationale de la République Française du Projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration. Et mes ancêtres se réveillent soudain.
Mon grand-père maternel, d'abord, me murmure : Te souviens-tu de mon visage ? De mon teint très mat ? De ma bouche lippue ? De mes (rares) cheveux crépus ? Te rappelles-tu que je suis né en Guadeloupe, de parents noirs, ma mère ayant néanmoins des traits indiens ?
Mais c'est bien sûr ! Je suis descendante d'esclaves noirs africains !
Voilà que la femme de mon grand-père se mêle à la conversation : Dis-moi, il ne faudrait pas que tu oublies que mon père était italien ainsi que mes grands-parents maternels !
Et vlan ! Deuxième couche : je suis enfant d'immigrés...
Ma grand-mère paternelle ne veut pas être en reste : Dis-donc, tu te souviens de mon patronyme, hein ? Il est plutôt italien, non ?
Troisième illumination : je suis encore plus enfant d'immigrés...
Mais nom d'une pipe : sur mon certificat de nationalité il y a bien écrit français(e) car né(e) en France de parents français, non ? Bah oui.
- Alors ?
- "Alors" quoi ?
- Alors, je suis française, ou pas ?
- Quelle importance ?
- Bin, c'est à dire...
- Quoi ?
- Puisque je suis descendante d'esclave, je devrais me faire plaindre, non ? Puisque enfant d'immigrés, pareil, non ? En plus, avec mon faciès, on me demande parfois si je ne suis pas originaire des pays du sud de la Méditerranée. Et je parie que j'ai aussi des ancêtres juifs. Je suis cumularde, quoi. Donc, j'ai de quoi me faire plaindre, non ?
- Oui, mais...
- Mais quoi ?
- Tu n'as pas eu à faire d'effort de d'intégrer : tes ancêtres l'ont fait pour toi.
- Damned, je fais désespérément partie de la population normale qui vit en France. Et pourtant, je suis descendante d'esclaves africains et d'immigrés...