Ambiance : un amphi. de 400 places, pas rempli à raz-bord, pas clairsemé non plus, juste habité. Habité par des étudiants, des enseignants, des patrons, des travailleurs (rectorat, université, armée, etc.), des politiques (présidente du conseil général, de gauche ; conseiller régional, de droite). Micro, vidéoprojection, caméra, régie son et image, pour la postérité.

Pour animer les débats, une étudiante et un membre de la Chambre de Commerce et d'Industrie du département. À côté, un rapporteur. L'animatrice énonce le premier sujet, se tourne vers la salle pour lui donner la parole. Grand silence. Ca a vraiment du mal à démarrer. Enoncé de la deuxième, puis de la troisième question. Toujours rien. Puis un ancien directeur d'UFR se lance (il a l'habitude des discours publics...). Et la discussion se construit peu à peu. Dans le désordre. Par rebonds sur les interventions. Mais ça marchote.

Ambiance encore : passes d'armes, à fleurets à peine mouchetés, entre le conseiller régional (de droite), qui demande à ce qu'ON laisse les universités tranquilles et qu'ON ne les encadre pas à outrance[1], et la présidente du conseil général (de gauche) qui demande quel effort (financier) la Nation est prête à consentir aux universités (pour former les étudiants, donc) et qui réaffirme que l'Université doit être fière de former des citoyens, c'est à dire des travailleurs qui réfléchissent...

Ambiance toujours : affrontement pas du tout feutré entre les patrons (président ou représentant de la section locale du Médef) et les profs : Ici, j'entends beaucoup parler (de la part des enseignants, NdlR) de savoirs mais jamais de savoir-être[2] ; Nous"" (les entrepreneurs, NdlR) n'avons pas besoin de vous (les enseignants, NdlR) pour leur apprendre un métier ; vous faites très bien ce que vous savez faire, leur apporter des connaissances, et laissez-nous les former à nos métiers : l'entreprise est une formidable machine à former. Je dois dire que ça a jeté un froid et amené beaucoup de participants à se demander quel était l'intérêt de mettre sur pied un tel débat, dans ce contexte... Les enseignants ont alors demandé si les chefs d'entreprise pouvaient assurer que l'accueil de 1000 stagiaires en entreprise par an serait faisable : il semble que le défit pourrait être relevé... D'autres vérités vraies ont été assénées : Le diplôme n'est important que pour le premier emploi[3], Faire des études universitaires pour rentrer dans la fonction publique est la marque d'un manque d'ambition total : inutile de préciser qu'il y a eu un tollé général à la suite de cette intervention... Enfin, La professionnalisation ne peut pas se faire dans l'université mais par la confrontation de l'étudiant avec le monde du travail''[4]

Ambiance enfin : les étudiants, peu nombreux, se sont peu manifesté : essentiellement pour dire que les expériences professionelles, ils se les faisaient pendant les jobs d'été (s'ils arrivaient à en trouver, a précisé une étudiante qui sur 50 CV envoyés avait reçu 1 réponse, négative, les 49 autres étant réstés sans réponse du tout).

Quelques questions[5] incongrues ou pas : quelle est la définition de professionnalisation ? est-ce que l'aide à l'insertion des jeunes diplômés doit prendre la même forme quel que soit le secteur d'étude ? le système des masters (petites promotions où chaque étudiant peut avoir un suivi quasi personnalisé de la part des enseignants) est-il généralisable à tous les niveaux ? quelle est la part des professionnels dans l'élaboration des programmes ?

Ce que je retire de cette discussion, c'est que cela coûte du temps et de l'argent pour bien former des travailleurs qui réfléchissent...

Notes

[1] Ca rappelle furieusement le projet de loi sur l'autonomie des universités, que l'actuelle majorité gouvernementale essaie de faire passer depuis 2002, qui est repoussé à chaque fois et dont un bout vient de rentrer par la petite porte du pacte pour la recherche adopté dans l'indifférence générale pendant les "évènements" autour du CPE

[2] Bin voyons. Et vous voulez-pas que l'université leur torche le c*l aussi, pendant que vous y êtes ?

[3] les étudiants en V.A.E. apprécieront...

[4] éternel serpent qui se mord la queue : pour pouvoir travailler, il faut de l'expérience et pour avoir de l'expérience, il faut travailler...

[5] oui, il y a eu beaucoup de questions dans ce débat qui est censé apporter des réponses...