Prends une fourmi — enfin, quand j'écris ça, c'est une façon de parler, une manière de dire — observe une fourmi, donc. Une colonie, une double file de fourmis, l'une dans un sens, l'autre dans un autre, dans la même direction : un bout de truc à grailler et une armée se dépêche vers le lieu de la pâture et s'en revient. Colonne montant à vide, colonne descendant à plein. Toujours plus, pour nourrir la cité, la développer, la faire évoluer. Toujours plus. Dans l'autre sens, elles ont toujours fait comme ça, elle se satisfont du présent.

Transpose ça à nous, grouillant sur un pâle point bleu. D'un côté, des injonctions d'aller lentement, de s'arrêter même, profiter de l'instant présent, sans passé, sans avenir. Juste se poser, se contenter. S'arrêter, pendant que la Terre défile sous nos pieds, reculer, involuer. D'un autre côté, le goût de l'exploration, la curiosité pour avancer, courir plus vite de la rotation de la planète, évoluer, s'élever. Toujours plus.

Plénitude versus manque, suffisance versus progression.

Les fourmis sont paradoxales. Bon, c'est pas l'tout, j'ai des pucerons à traire.