Manuel d'écriture et de survie Ce petit livre rouge de Martin Page raconte le parcours initiatique d'une jeune écrivaine, guidée par son mentor. Le récit prend une forme particulière, une correspondance. Une correspondance particulière, puisqu'on ne lit que les lettres de l'auteur en réponse à celles de l'écrivaine. Cette forme épistolaire asymétrique donne à l'œuvre une densité autobiographique savoureuse. Les écrivains aguerris — ou pas — y retrouveront certainement tous les aspects de leur métier, les plus jouissifs comme les plus détestables. Pour ma part, j'y ai surtout lu des motos, des mantras, des évidences que peut faire siennes n'importe quel être humain doué d'une sensibilité relativement... humaine. Un auteur peut vraiment tout dire, sous couvert d'une récit vaguement fictionnel — très vaguement, ici — pousser les gueulantes les plus communes contre la société, les gens, le système, ou énoncer les recettes les plus simples pour se sentir bien, et ça passe beaucoup mieux que si c'était M. Lambda sur un trottoir, au micro. de n'importe quel média.

Quelques sentences :

La liberté se trouve dans notre capacité à remettre en cause les représentations données par la société, et à nous approprier les valeurs moquées ou dépréciées.

L'humour est une affaire de malades, de dépressifs et d'hypocondriaques. Il est le symptôme d'un rapport compliqué au monde en même temps qu'une tentative de résolution. C'est la médecine épicurienne d'une condition humaine dont on ne peut guérir [...] C'est une manière d'avoir et de donner du plaisir.

La tendresse et le douceur ne devraient pas être des vertus tournées en ridicule.

Le style est très parlé — après tout, une correspondance n'est qu'une conversation écrite — fluide, mais semble parfois tomber dans un travers partagé par beaucoup : le rythme ternaire. Malgré cela, l'ouvrage est agréable et rapide à lire.

Cependant, un épisode m'a choquée. L'auteur indique qu'il a lu une des lettres de sa correspondante à haute voix à sa compagne. Comme par la suite, il n'est pas fait mention d'une quelconque réaction de la jeune écrivaine, je suppose que l'auteur n'a pas réalisé la portée de son geste : une correspondance entre une autrice en devenir et un écrivain me semble fondée sur une confiance absolue. La donner en pâture à qui elle n'est pas destinée est pour moi particulièrement déloyal. Même si nous pouvons nous régaler d'échanges épistolaires entre écrivains célèbres, comme ceux de George Sand et Alfred de Musset.