Chalk

Chalk, c'est l'histoire d'un mec. Un peu couleur insipide passe partout, un peu paumé, un peu à la fin de sa vie tranquille pépère. Il vient de tout plaquer — femme, boulot, vie confortable — et prend du bon temps à traîner dans les bars. Contre toute attente, dans ces bars où s'échouent les mecs qui n'ont plus rien à perdre ni à gagner, il y rencontre une fille ensorcelante, au premier sens du terme. Et un dragon !

Chalk, c'est donc l'histoire d'Alfred, élu par la sorcière et son copain de dragon, pour détruire l'abomination qu'est devenu CHALK, un logiciel au départ destiné à créer la vie rêvée d'humains, mais qui en a assez de ce rôle et qui veut s'incarner. Rien que ça. Et il le fait. Et le tissu de la réalité s'altère, oh bien légèrement, imperceptiblement : un microtrou ici qui crée, comme de bien entendu, des failles spacio-temporelles ; un tout petit repli par là, un infime nœud plus loin. Abreuvé de Chaos Essentiel, dont il s'est pris de larges rasades au Bord Extrême de l'Univers, CHALK semble ne vouloir s'incarner uniquement pour connaître... l'amour, hé oui. Comme quoi...

Dans sa mission de chevalier blanc sauveur de l'humanité passée, présente et à venir, Alfred, semble bien seul, cornaqué par le dragon et sa comparse, et trouve quelque renfort inattendu auprès de personnages aussi fades et loosers que lui, alors que CHALK continue son œuvre qu'il croit être dévastatrice. Cette histoire pourrait être une illustration de plus de la lutte du bien et du mal, si la fin ne mettait tout le monde en accord : seules comptent les relations humaines, y compris entre des entités qui se sont humanisées, seuls comptent l'affection et l'amour, en fait.

Ce que j'ai aimé :

  • le style, dansant, virevoltant, très poétique (et donc parfois difficile à suivre) avec de nombreuses évocations de poésies célèbres :
    • Et il sait le vin sur ses lèvres avant la première gorgée, le parfum des roses en automne, les doigts d'une femme sur sa peau...,
    • L'automne paie d'or la douceur de l'été, dans l'eau tranquille du canal Saint-Martin. Les feuilles volettent, les pages se tournent, passe le temps... Les doigts enlacés, nos âmes émues se parlent en silence,
    • Tout n'est plein ici bas que de vaine apparence, (Jacques Vallée des Barreaux, La vie est un songe) ;
  • les personnages — fantastiques ou contemporains _ leurs forces et leurs doutes ;
  • les vérités universelles, intemporelles, distillées comme un Talisker :
    • Toi, ce n'est pas un début, c'est l'éternité,
    • (elle) a tout de l'astéroïde des confins. L'indifférence feinte est sans doute inscrite dans le chromosome XX, même celui des entités...,
    • Il n'y a pas que le vin bu et les amantes repues, le parfum des roses s'en va l'hiver venu... Mais les arbres restent et l'amitié a l'odeur du bois.,
    • ce pauvre type est amoureux et je sais ce que c'est et si tu savais ce que c'est, tu saurais ce que c'est souffrir comme un gueux ! ;
  • l'épilogue, si doux et si tendre.

Ce qui m'a déplu :

  • l'histoire n'est pas assez fouillée, elle laisse beaucoup trop de champ à la capacité divinatoire du lecteur ;
  • dans la même veine, les personnages sont à peine croqués, pas assez fouillés ;
  • le résumé, en début d'ouvrage, casse tout le suspense (non, ce n'est pas incompatible avec le premier point) ;
  • techniquement, que Calibre ou Sigil trouve des erreurs dans le fichier epub : NumerikLire est pourtant un éditeur sérieux :/