C'est fait.

À la rentrée, les distributeurs automatiques de friandises n'auront plus droit de cité dans les établissements scolaires en application de la loi 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. L'article 30 impose que « Les distributeurs automatiques de boissons et de produits alimentaires payants et accessibles aux élèves [soient] interdits dans les établissements scolaires à compter du 1er septembre 2005. ». Cependant, cette interdiction ne vise que les distributeurs de barres chocolatées et de boissons gazeuses et non ceux de fruits et légumes. Ouf, on a eu peur.

Rappel des épisodes précédents : en 2003, l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) met en place un groupe de travail sur les glucides. Le 14 septembre 2004, l'AFSSA se félicite de l'adoption de la loi précitée et précisant que cette interdiction ne doit s'étendre ni aux fruits et légumes, ni à l'eau. En octobre 2004, le groupe de travail rend son rapport et émet des recommandations. En particulier, le groupe souhaite « la suppression des distributeurs de produits manufacturés riches en sucres et/ou graisses et/ou sel dans les collèges et lycées. » Il va même plus puisqu’il préconise « [qu'] En tous lieux, ces distributeurs pourraient faire une place plus large à la distribution de fruits et légumes. Des fontaines d’eau devraient être mises en place dans les écoles. »

Cette démarche s'inscrit parfaitement dans le Programme National Nutrition-Santé (PNNS) mis en place en 2001 qui fixe, parmi les neufs objectifs nutritionnels prioritaires de « Réduire de 20 % la prévalence du surpoids et de l'obésité (IMC > 25 kg/m2) chez les adultes et interrompre l'augmentation, particulièrement élevée au cours des dernières années, de la prévalence de l'obésité chez les enfants. » Pour atteindre ses objectifs, six axes stratégiques ont été définis. On relèvera plus particulièrement le sixième « Engager des mesures et actions de santé publique complémentaires destinées à des groupes spécifiques de population. » et le troisième « Impliquer les industriels de l’agro-alimentaire et la restauration collective ainsi que les consommateurs au travers des associations de consommateurs et de leurs structures techniques. »

Dernier épisode en date : à l'occasion de l'examen au Sénat en première lecture du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises (définitivement adopté le 13 juillet), l'AFSSA est encore une fois obligée de réaffirmer sa position quant aux distributeurs automatiques de friandises. L'amendement déposé au Sénat a été retiré. La première lecture à l'Assemblée Nationale n'a pas réintroduit les distributeurs automatiques dans les établissements scolaires. Ouf, on a eu peur (bis).

On reste presque sans voix devant de tels combats. D'un côté on a un état, soucieux de la santé de ses ressortissants (et aussi de son système d'assurance-maladie mutualisé et en déficit chronique depuis plusieurs années, parce que, faut pas rêver, les pathologies induites par l'obésité tuent lentement et à grands frais médicaux) et mettant en place tous les moyens à sa disposition pour lutter contre un nouveau problème de santé publique. Et de l'autre, on a... On a quoi, d'ailleurs ?

L'amendement qui a obligé l'AFSSA à taper encore une fois du poing sur la table était ainsi rédigé : « Les distributeurs présents dans les établissements scolaires ne peuvent mettre à disposition des élèves que les seuls produits dont la liste aura été arrêtée conjointement par les ministères de l’Éducation Nationale et de la Santé, après consultation des instances concernées. » En soit, cet amendement ne semble pas autant démoniaque que ça. Mais si on regarde de près les arguments du déposant de l'amendement, on lit « Cette mesure (le retrait des distributeurs dans les établissements scolaires, NdlR) [...] pénalise lourdement le tissu des PME qui gèrent des distributeurs automatiques. La distribution automatique en France représente 11 900 salariés, dont 23 % de femmes, un chiffre d'affaires de 2 milliards d'euros et 589 000 distributeurs implantés. La majorité des gestionnaires de distributeurs automatiques sont des entreprises artisanales de moins de vingt salariés. L'application de la loi relative à la politique de santé publique a eu pour effet immédiat le retrait de 22 650 distributeurs dans les écoles, la baisse d'au moins 8 % du chiffre d'affaires et la suppression de 1 000 emplois directs. »

Donc, de l'autre côté, on a des entreprises, des salarié(e)s, des chiffres d'affaires, des chômeurs en puissance et des baisses de croissance tout aussi potentielles.

C'était si compliqué que ça, lors de l'examen de la loi relative à la santé publique, dont une partie s'inscrivait dans le cadre du PNNS, de prévoir de remplacer les friandises et les boissons à sucre ajouté par des fruits, des légumes, des friandises équilibrés, des boissons de même et d'anticiper le marasme économique prédit ?

Dites, mesdames les entreprises de l'agro-alimentaire, c'est si compliqué (et si cher) que ça, de mettre vos moyens de recherche et développement au service de ceux qui achètent vos produits ?

Dites, c'est si compliqué que ça de penser à ceux qui sont au bout de la chaîne plutôt qu'à ceux qui sont au début ? Quand il n'y aura plus de dernier maillon, les précédents n'auront plus lieu d'être...