Introduction au droit martien

En flanant chez mon dealer libraire préféré, à l'étage "universitaire", j'ai l'oeil attiré par un kangourou lisant le code civil. De plus près, je vois qu'il s'agit du premier roman juridique, également roman de science-fiction délirant qui constitue aussi une véritable initiation à la méthode et aux grands problèmes juridiques.

Dans la préface d'Hervé Croze, on apprend que le présent ouvrage est une réédition, amendée, d'un opus paru en 1977, compilation de textes rédigés par Philibert Ledoux entre 1974 et 1976. Je me demande encore si la préface est elle aussi de la SF...

Au gré des pages, on navigue entre des chapitres du manuel de droit et ceux qui tiennent plus du journal de bord voyage de P. Ledoux.

P. Ledoux est un professeur de droit, d'origine française, qui débarque sur Mars. Il a été découvert que la planète Mars est peuplée de martiens[1], grands hommes verts, qui savent tirer le meilleur profit de leur planète : moyens de transport (aériens et fluviaux) et habitations biologiques[2] ou gisements d'espèce de gros vers à soie dont on tire de superbes tissus qui sont commercialisés sur Terre. La civilisation martienne, apparemment fruste, semble être bien organisée, quoique différemment de celle que connaît P. Ledoux. Le professeur vient sur Mars dans le but d'étudier le droit martien, son dada, depuis sa thèse, étant le droit comparé, comparé au droit français, bien évidemment, et plus particulièrement au droit civil. Il ne se sépare jamais de son code civil.

On trouve des images d'Epinal rassurantes pour le lecteur : les hommes verts, les grands fleuves de Mars, le bon sauvage, la télépathie, la guerre froide[3] personnifiée par une superbe colonelle de l'Armée Rouge et un charmant agent de la CIA, les réserves de martiens et les forts tazuniens.

Sociologiquement et culturellement, on retiendra que les martiens n'ont aucune notion de la transcendance, et donc d'un dieu ; que tous les êtres vivants sont égaux, ce qui fait que la mort d'un martien n'a pas plus d'importance que celle d'un animal[4] ; que la société martienne est organisée en gal, regroupements familiaux ou professionnels, d'intérêt commun ; que les habitations sont propriétaires de leurs habitants[5].

Du point de vue du droit, Je suis restée sur ma faim, probablement parce que totalement béotienne en cette matière. Seule la plaidoirie pour répondre au thème imposé Par l'effet d'un souffle décolla une part de la terre de l'Un et sa Famille, qui, ayant volé, plana et tomba sur la montagne de l'Autre et de sa Famille. De qui est la part de terre atterrie et qui, quoi peut y faire ? m'a quelque peu enchantée. Le manuel de droit proprement dit est intéressant, tant en ce qui concerne les prémisses que la méthode, mais ne va pas assez loin à mon goût.

Enfin, un joli clin d'oeil : les martiens ont, non pas des livres pour faire passer leurs pensées à la postérité, mais des pierres de souvenirs. Réflexion de P. Ledoux, à l'utilisation de l'une de ces pierres : qui pourrait croire, en effet, sur Terre, que l'on pût stocker dans un morceau d'oxyde de silicium du son et même des images ?...

Notes

[1] On y aurait découvert des vénusiens, on en aurait été fort désappointé

[2] Au premier sens du terme, c'est à dire doués de vie

[3] On est à la fin des années 1970, donc bien lointain est le commencement d'une idée de la chute du mur de Berlin

[4] Sauf peut-être celle d'une soucoupe martienne

[5] Logique, elles sont vivantes et elles semblent être antérieures à l'existence des martiens