Historiette inspirée d'un souvenir de voyage, narrée il y a bien longtemps de cela à un groupe de copains et copines en mal d'évasion.

D941 OpenStreetMapM. D. a pour caractéristique de vivre dans le Limousin et de posséder une fort jolie maison de famille dans le Dauphiné. En faisant appel à ses lointains souvenirs de géographie, chacun peut aisément savoir qu'entre ces deux provinces françaises s'élève majestueusement un massif granitique communément nommé « le Massif Central ». Les excellents ingénieurs en charge des ouvrages d'arts et des voies de circulation ayant pour habitude de relier la capitale aux fiefs qui en dépendent ne se sont pas préoccupés de relier entre elles les provinces par des voies rapides qui permettent aisément et rapidement de se déplacer de l'une à l'autre dans le but, par exemple, de mettre à profit une fin de semaine pour aller visiter la famille. Il en résulte donc, que pour rallier Limoges à Vienne, il faut en passer par la route départementale 941, suite logique de la route nationale 141 — à noter que cette voie, malgré sa classification peu glorieuse, est, ma foi, une fort belle route en lacets distendus qui offre une descente appuyée vers la capitale auvergnate.

Un beau jour de printemps — à vrai dire, c'était plutôt un soir de je ne sais plus quelle saison — M. D. décide donc d'occuper agréablement quelques jours de liberté et d'entamer une expédition de l'autre côté du V hercynnien. Il entasse donc ses impedimenta dans son auto — un sacré numéro — et le voilà parti, en charmante compagnie, vers la vallée rhodanienne. Cependant, comme je l'ai déjà dit, il doit d'abord passer par l'Arverne.

Tout à son plaisir d'écouter un enregistrement phonographique de l’œuvre de Mozart, Don Giovanni, il prend à peine garde à la topographie routière qui déjà l'amène à aborder la fameuse route départementale 941 qui traverse les courbes de niveau pour parvenir à Clermont-Ferrand. La route est belle mais la fin de semaine la surcharge d'un trafic qui oblige notre conducteur à suivre sagement le défilé de véhicules sans plus faire attention à sa conduite. C'est donc emporté par le lyrisme du quarteto Non tu fidar, o misera dont il bat la mesure d'une main, l'autre se contentant de tenir simplement le volant — et par la même, se gardant bien de manier le levier de changement de vitesse pour utiliser le frein moteur du véhicule, ce qui, pourtant, est très fortement conseillé dans ce cas — qu'il balance lascivement son véhicule le long des courbes généreuses de la départementale 941.

Arrivé dans le centre de la ville, une odeur chaude éveille soudain notre homme, odeur rapidement suivie du dégagement d'une intense fumée blanche qui semble se dégager de la roue avant droite du véhicule. Arrêt d'urgence sur le bas-côté, sortie en catastrophe du véhicule, examen oculaire et manuel de la fameuse roue dont le moyeu est brûlant, oui, brûlant ! Notre homme démonte alors la roue, en pestant force juron contre la chaleur intense qui imprègne les boulons de fixation. Le disque de frein est chaud, très chaud. A ce moment, sa compagne de voyage lui dit : « Mon ami, pensez-vous donc que descendre jusqu'ici en utilisant uniquement le frein puisse être à l'origine de cet aléas ? En effet, vous, surtout, n'êtes pas sans savoir que le frottement, surtout à sec, à l'origine du freinage, entraîne une élévation de température des deux massifs frottants. »

C'est depuis ce jour que M. D. est quelquefois qualifié de M. JOURDAIN

P. S. : En ce temps là, M. D. était doctorant en tribologie et préparait une thèse intitulée « Frottement sec de matériaux céramiques ».